La Cour des comptes critique le déploiement des bornes en Wallonie
La Cour des comptes a audité la politique menée par le gouvernement wallon pour soutenir le déploiement de l’infrastructure de recharge dédiée aux véhicules électriques sur son territoire. S’agissant d’une politique relativement récente qui sera amenée à évoluer dans le courant des prochaines années, la Cour a scindé ses observations en deux parties. La première est consacrée à un état des lieux de la situation à la fin de la législature 2019-2024. La seconde met l’accent sur quatre thèmes qui devraient, selon la Cour des comptes, constituer des points d’attention lors de l’élaboration et de l’évaluation des politiques futures.
Contexte européen
Le pacte vert pour l’Europe proposé par la Commission européenne constitue la contribution des pays de l’UE à l’accord de Paris. Il comprend un ensemble de mesures dont l’objectif principal est d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, en vue de limiter le réchauffement climatique. Une de ces mesures est la décarbonation du transport routier puisqu’il constitue une source importante de gaz à effet de serre.
Si le déploiement d’une infrastructure de recharge dédiée aux véhicules électriques, nécessaire à la décarbonation du transport routier, relève de l’initiative d’acteurs privés, l’intervention des pouvoirs publics n’en reste pas moins indispensable. À cet égard, la Commission européenne a tout d’abord adopté un règlement qui contient des dispositions contraignantes pour les États membres. Par ailleurs, sachant que la régulation naturelle du marché peut conduire les acteurs privés à adopter des stratégies de déploiement qui privilégient la rentabilité économique au détriment d’autres préoccupations d’intérêt général, il convient que ces dernières (relatives à la mobilité, à la sécurité, à l’énergie ou encore à l’aménagement du territoire) soient garanties par les pouvoirs publics.
État des lieux en Wallonie
La Région wallonne ne dispose pas actuellement d’une capacité d’analyse des besoins suffisante pour orienter de manière pertinente sa politique en matière d’infrastructure de recharge. Les données de base ne sont pas disponibles ou sont incomplètes et il n’existe pas de modélisation des besoins tenant compte de différents paramètres, dont les scénarios d’usage et la disponibilité de la recharge à domicile..
La stratégie de déploiement de bornes de recharge a été adoptée tardivement et elle ne semble pas en mesure de répondre à la question de savoir comment le réseau électrique sera capable de supporter l’électrification des transports. Les objectifs opérationnels à court terme sont peu ambitieux et ne sont pas en phase avec l’accélération de la pénétration des véhicules électriques sur le marché. Les objectifs à moyen et à long terme doivent être développés.
Le gouvernement wallon a consacré un programme de son plan de relance au déploiement de bornes de recharge. Les trois projets qui constituent ce programme ont donné lieu à diverses actions, mais aucune borne de recharge n’a concrètement été installée grâce à l’intervention de la Région. Diverses initiatives ont été menées au niveau local par des communes, intercommunales et provinces, mais elles sont d’ampleur limitée et elles n’ont pas été coordonnées.
Le pilotage de la politique est lacunaire en raison notamment du manque de clarté dans la répartition des rôles et responsabilités entre les différents acteurs publics concernés. Il ne permet en outre pas de garantir le respect des obligations imposées par le règlement européen.
Points d’attention
Le réseau électrique peut impacter les projets de déploiement des bornes à différents égards: faisabilité, délais de réalisation, coût, etc. L’anticipation des travaux de renforcement du réseau est actuellement insuffisante et les stratégies de lissage des pics de consommation reposent sur des hypothèses qui pourraient ne se réaliser que partiellement.
L’anticipation et la réactivité sont insuffisantes pour faire face aux incertitudes quant à l’évolution du marché. L’absence de vision à long terme ne permet pas d’assurer que l’infrastructure de recharge pourra se développer au rythme de l’augmentation des besoins sans remettre en question les choix posés.
L’alignement et la coordination des nombreux acteurs publics et privés concernés ne sont pas assurés.
Les plans d’actions du gouvernement n’intègrent pas le ravitaillement en carburants alternatifs à l’électricité, ni le transport lourd de marchandises et de personnes.
Partant de ces constats, la Cour des comptes a formulé cinq recommandations stratégiques et sept recommandations opérationnelles adressées au gouvernement wallon et aux administrations concernées..