Le retard numérique freine la transition des flottes durables
Les entreprises collectent plus de données, mais les exploitent mal
Les entreprises européennes disposent de plus en plus de données sur les émissions de leurs flottes, mais peinent encore à en tirer profit. Selon le dernier European Fleet Emission Monitor (EFEM) publié par Alphabet, seules 27% sont capables de mesurer précisément leurs émissions de CO2. L’étude, menée auprès de plus de 740 gestionnaires de flotte dans 12 pays, révèle un paradoxe frappant: la durabilité est devenue une priorité, la numérisation progresse, mais la majorité des flottes restent prisonnières de systèmes obsolètes et d’une absence de stratégie claire. Ce manque d’action n’est plus une simple inertie : il devient un risque d’entreprise.
De la collecte à l’analyse: un fossé numérique persistant
L’étude montre que 43% des entreprises suivent désormais les émissions de leur flotte – une hausse modeste d’environ 1% par rapport à l’an dernier. Mais seules 27% peuvent les quantifier correctement. Cette situation ne reflète pas un désintérêt, mais bien un manque de maturité digitale: les infrastructures et les compétences internes font encore défaut.
Ainsi, 42% des entreprises continuent de se baser sur des estimations liées à la consommation de carburant, et 26% utilisent encore Excel pour le suivi. Ces outils désuets, fragmentés et manuels entravent l’accès à des analyses pertinentes. L’adoption d’outils numériques avancés stagne: seuls 7% des répondants intègrent l’IA dans la gestion de leur flotte, et à peine plus de 3% l’utilisent pour le reporting des émissions.
Sans objectifs, pas de cap: les risques réglementaires s’accumulent
Près de 43% des entreprises n’ont pas d’objectifs de réduction de CO2, et un tiers ne surveille pas du tout les émissions de sa flotte. La CSRD, censée jouer un rôle moteur, a jusqu’à présent eu un impact limité: à peine 8% des entreprises indiquent qu’elle influence leur planification.
Certaines avancées structurelles apparaissent toutefois. Plus d’un tiers des entreprises disposent aujourd’hui d’un département dédié à la durabilité, et 12% prévoient d’en créer un prochainement. Cela pourrait favoriser une mise en œuvre plus cohérente à l’avenir. Mais l’écart entre la prise de conscience et l’action concrète reste critique. Sans objectifs définis et sans suivi fiable, les entreprises risquent de manquer des incitations financières, de voir leurs coûts grimper, et de perdre en compétitivité dans un environnement réglementaire de plus en plus exigeant.
L’électrification freinée par un manque d’information
Malgré l’engouement général pour la mobilité électrique, 43% des gestionnaires de flotte se sentent encore mal informés sur les évolutions et aides disponibles – une amélioration légère par rapport à l’an passé. Plus d’un quart des entreprises ignorent les dispositifs de soutien financier, et moins d’un tiers comprennent pleinement les bénéfices auxquels elles peuvent prétendre. Résultat : une mise en œuvre lente, des opportunités perdues, et un écart croissant entre les intentions politiques et la réalité opérationnelle.
Agir pour avancer: ceux qui tardent, paieront
Jesper Lyndberg, CEO d’Alphabet International, résume le constat avec clarté: "Cette enquête révèle à la fois les avancées et les faiblesses de la durabilité. L’ambition est bien là à travers l’Europe, mais le vrai défi reste l’exécution. Les entreprises qui investissent aujourd’hui dans l’électrification, l’intégration des données et la durabilité seront mieux armées pour faire face à la hausse des coûts et aux réglementations à venir. Elles bénéficieront d’économies, de résilience stratégique et de mesures incitatives. Ceux qui attendent paieront. Ceux qui agissent, dirigeront."
Le message est limpide: sans transformation digitale ni engagement concret, les flottes professionnelles auront du mal à suivre le rythme imposé par la transition énergétique.