“L'AVENIR, C'EST LA VOITURE AUTONOME"
Le pilote automatique accroit le stress chez les constructeurs automobiles
Alors que les médias et les hommes politiques sont peu enclins à passer au crible l'actuelle politique 'scientifique consensuelle' en matière d'énergie, d'environnement et de mobilité, nous avons retrouvé le prof. Mark Pecqueur, enseignant et directeur de recherche en sciences automobiles auprès de la Thomas More Hogeschool et membre de la commission consultative européenne (SAE - Society of Automotive Engineers). Il est convaincu que les véhicules autonomes sont une réalité et ne mâche pas ses mots dans ce domaine. “Le débat sur les véhicules autonomes ne supporte apparemment pas la réalité technologique. Il est temps que les médias remplacent leur bavardage 'influencing' par des faits étayés par un journalisme d'investigation."
CONTEXTE
Comportement vertueux anti-Voiture
Armé de faits et de chiffres, il fait taire de nombreux sauveurs de l'humanité tragicomiques. Il relève maintes fois les tactiques perfides, et parfois mensongères, des idéalistes verts qui utilisent leur réflexion inspirée par une hystérie climatique pour désigner la voiture comme un ennemi de taille. Provisoirement, ce comportement vertueux anti-voiture peut encore compter sur la bonne volonté de la presse 'non experte'. Provisoirement, parce que de plus en plus de chiffres importuns peuvent démasquer les mensonges climatiques définitivement. Mais les médias continuentde diffuser leurs articles 'd'opinion' - nous le déduisons de la vitesse de publication de certaines visions scientifiquement dépassées - et refusent - comme l'affirme Pecqueur -de pratiquer un journalisme d'investigation.
Démagogie
Sur le plan des véhicules autonomes, Mark Pecqueur suscite à nouveau un inconfort tangible dans la communication. Nous n'avons pas ressenti ce genre d'inconfort lorsqu'un 'automobile executive' de premier plan est venu ventiler son opinion sur ce sujet sans être interrompu (quelques jours avant cet entretien). Effectivement, le cadre en question a louvoyé prudemment entre les écueils. Car il savait aussi que la voiture autonome confronte de façon frontale le constructeur automobile contemporain aux limites de la réalité économique. Des spécialistes tels que Pecqueur, assez réalistes pour prévoir un tel scénario fondé, sont ignorés dans ce débat, pour ne pas dire sabotés. Si bien que cette discussion se mue aussi en chamailleries d'inspiration politique - et subsidiées - qui tolèrent principalement l'opinion des anti et des incompétents techniques. Le résultat? Du blabla hystérique pour lequel tout ce qui est scientifiquement incorrect devient la norme et ce qui est montré par des connaisseurs, tels que Pecqueur, paraît anormal. Tel l'exemple du débat sur l'énergie et sur l'environnement. La valeur ajoutée peu encourageante qu'apporte la presse automobile spécialisée dans cette inadéquation reste malencontreuse. Avec des chiffres pertinents et une évidence scientifique, Mark Pecqueur réfute entre-temps la rigolade pseudo-intellectuelle des incroyants et d'une presse qui succombe docilement à un tintouin peu empreint de réalisme. Celui qui a confiance dans la technologie croit Pecqueur. Espérons que la politique le fera aussi. Dans le cas contraire, on court le risque - comme dans les questions environnementales et énergétiques - de voir affluer des études scientifiques consensuelles, qui prouvent ce qui doit être prouvé et dont les politiciens feront volontiers un usage sélectif et démagogique.

le nombre croissant de systemes de securite electroniques – quand meme les modules de base de la voiture autonome – abaisse les chiffres d’accidents”
Les constructeurs ne sont pas disposés à embrasser tout de go la voiture autonome. En effet, le client automobile n'est pas demandeur, argumente-t-on.
Mark Pecqueur: “Je ne connais pas une seule nouveauté technologique pour laquelle le client a été le demandeur. Le client a-t-il demandé l'ABS, l'ESC, la surveillance de la bande de circulation ou la navigation GPS avant que les constructeurs les proposent?Je comprends donc leur réticence, ils doivent bel et bien confier que des doutes existent parce qu'ils ne peuvent pas encore proposer des voitures avec pilote automatique. Parce qu'ils se rendent compte que de tels véhicules changeront complètement leur univers."
Qu'entendez-vous par un changement complet?
Mark Pecqueur: “Les mobility providers achèteront bientôt les voitures (autonomes) et fourniront ainsi une prestation de service mobile au client. La possession d'une voiture cède ainsi la place à un abonnement auprès d'un prestataire de services. Avec un laptop ou un GSM, celui-ci peut appeler des voitures autonomeset programmer le trajet et les conditions de circulation. Le risque est grand -certainement en ville - qu'un tel service mobile devienne gratuit. Car des intéressés aux moyens financiers suffisants sont en embuscade. Regardez comment les gens évitent la publicité dans le tv-streaming. Ceci n'a pas échappé aux publicistes. Ceux-ci cherchent donc avidement de nouveaux moyens d'atteindre plus de personnes et restent prêts à y investir fortement. Un trajet proposé gratuitement est assurément l'occasion rêvée de diffuser quelques minutes de messages publicitaires pour l'homme mobile pendant son déplacement."
De la possession automobile à la prestation de services mobiles, donc. Une moins bonne nouvelle, évidemment, pour le constructeur automobile.
Mark Pecqueur: “Indiscutablement. Celui qui prend le bus de De Lijn aujourd'hui demande un transport mais ne peut pas choisir que ceci se fera avec un Mercedes-Benz, un DAF ou un Van Hool. La compagnie de transport est le décideur. Si l'on réserve un vol, on peut opter pour une compagnie aérienne, une destination, l'heure et le jour du vol, une place près du couloir ou du hublot, economy, business, first ou priority. Réserver un vol à bord d'un Boeing 737, Airbus 320, Embraer of Bombardier? Ce n'est pas possible. La marque du bus ou de l'avion n'est pas pertinente. Dans cette prestation de service mobile, le transporteur détermine la marque ou le modèle qui assurera le service. Mercedes, BMW, Audi, VW, PSA et ainsi de suite, peuvent bien culpabiliser la prestation de service de voiture autonome par des concepts tels que rêverie et fantaisie. Cela reste un défi difficile pour ces constructeurs car comment continuer de se profiler dans ce scénario? Où réside leur plus-value si la marque devient non pertinente? Réellement effrayant est que les constructeurs chinois comme BYD estiment que ce scénario est sérieux. Il semble que les constructeurs n'ont pas tiré les leçons de l'électrification automobile, plus précisément des batteries ..."
Avec ces batteries vous faites référence àla Chine et à la dominance économique redoutée en matières premières pour le lithium (encore) vital pour les e-voitures?
Mark Pecqueur: “Je veux dire que si notre marché continue d'évoluer comme aujourd'hui, l'avenir appartient totalement à la Chine. La Chine détient un gros 33% de l'approvisionnement mondial du lithium. Et 50%se situent encore dans des mines chiliennes … détenues par des chinois. Dois-je encore faire un dessin? Pourquoi la production Tesla accuse un retard inquiétant? Parce que la sous-traitance des batteries ne peut pas suivre. Parce que le prix du lithium grimpe de façon exubérante. Et quid pour vous, constructeur. Vous avez calculé le prix d'une e-voiture sur base d'un prix de lithium qui ne s'élevait qu'au tiers du prix actuel il y a deux ans. Les Chinois détiennent aujourd'hui le lithium. L'électrification automobile nous confronte à des relations économiques très dures avec la Chine."
Vous aviez mis en garde contre une e-mobilité qui nous confronte aux limites de la réalité économique si nous ne développons pas rapidement des batteries de stockage de l'électricité sans surconsommation de matériaux rares.
Mark Pecqueur: “Nous devons chercher d'urgence une technologie de batterie alternative. Initialement, cela peut résulter dans des batteries moins performantes mais si elles n'engloutissent pas le dernier gramme de matériaux rares (comme le lithium), nous avons un avantage économique et durable. Hélas, au vu de la situation, je crains un laisser-faire. Croire dans l'e-mobilité nous contraint directement à investir très lourdement dans la recherchesur le stockage de l'électro-énergie. Or les investissements se font attendre et hélas, c'est pareil pour la recherche scientifique des véhicules autonomes."
Votre critique de la façon dont nous nous préparons à l'arrivée des véhicules autonomes n'est pas tendre?
Mark Pecqueur: “Regardez ce 'code of practice' qu'a édicté la Belgique en la matière. Une blague! C'est un 'code of non-practice'! Cela montre encore une fois comment nous accueillons ici une nouvelle technologie.En soumettant cette technologie à une (sur)régulation avant les premières recherches. Que fait-on si une voiture partiellement autonome est impliquée dans un accident et qu'une victime est à déplorer? La nouvelle technologie est conspuée: dans ce cas-ci le pilote automatique. On ne se demande donc pas si la victime aurait été déplorée si un individu avait piloté la voiture? Non, on plaide aussitôt pour l'organisation d'essais d'aptitude à la conduite pour les voitures autonomes! Dans les écoles de conduite ou auprès des organisations de contrôle technique, bien entendu. Primo ceci n'est pas la compétence d'une politique et secundo cette réaction prouve que le gouvernement n'a pas réellement compris. Le même jour, on a recensé (dans le monde) 3.286 victimes de la routeà cause d'erreurs de pilotage humaines. On ferait mieux de se soucier de la cause de ce genre d'accidents que de contrecarrer la recherche sur les voitures autonomes par des régulations supplémentaires."
Les hommes politiques, mais également les participants au trafic lambda, ne veulent apparemment pas comprendre que les voitures autonomes sont les pourfendeurs les plus efficaces de la cause 'principale' d'accidents de voiture. A savoir l'homme, comme la montré Lukas Neckermann il y a quelques années sans son livre The Mobility Revolution.
Mark Pecqueur: "Plusieurs études ont montré et prouvé comment le nombre croissant de systèmes de sécurité électroniques - tout de même les modules de base de la voiture autonome - diminue les chiffres d'accidents. Dans 90% de tous les accidents en Amérique du Nord et en Europe, une erreur humaine en est à la base. Soyez donc certain que l'apport de l'électronique de sécurité - de plus en plus intelligente et réactive - combattra avec succès la plus grande cause d'accident."
Les sceptiques prétendent que l'apport des voitures autonomes favorise le chaos de la circulation en ville.
Mark Pecqueur: “Le scepticisme ne peut pas être plus caricatural. Aujourd'hui le tauxd'occupation moyen d'une voiture est de 1,2 personne. Si nous augmentons ce chiffre à 2 le problème est déjà résolu. Celui qui envisage sérieusement la stratégie des fournisseurs mobiles comprend d'emblée qu'un taux d'occupation de 2 est plus que réaliste. Je soupçonne les constructeurs automobiles d'être à la base de ce genre de scepticisme. Je réplique volontiers par une addition un peu moins plaisante pour eux. Cela montre pourquoi la 'possession d'une voiture' est de plus en plus critiquée. Ou ne sait-on pas que seuls 8%de toutes les voitures immatriculées roulent pendant l'heure de pointe du soir (chaque jour ouvrable entre 16 et 18 heures)? Si nous réduisons de moité le nombre de véhicules demain, les voitures seront encore trop nombreuses à l'heure de pointe. Ceci démontre d'autre part que nous n'achetons plus de voiture pour rouler. Si le Belge lambda roule 20.000 km par an à une vitesse de 40 km/h, il roule 500 h/an mais sa voiture est stationnée durant 8.260 h/an. Le Belge lambda ne possède donc plus une voiture pour rouler mais pour la garer. Une bonne raison, je pense, d'estimer favorablement les opportunités de marché du fournisseur mobile mais aussi la preuve que les constructeurs automobiles ont un problème."
Les voitures sur pilote automatique nous amèneront - tout comme les voitures connectées - dans le monde du comportement vertueux artificiel-intelligent. Mais qu'en retire l'usager de la voiture?
Mark Pecqueur: “La plupart des usagers dela voiture n'ont en effet aucune idée de ce que la technologie est en mesure de faire et pour des personnes étrangères, ce chapitre autonome n'est rien d'autre qu'une matière complexe, une réalité lointaine. On ne peut pas reprocher à ces personnes de faire preuve d'indifférence. Du reste, ceci ne changerapas tant que le public ne se voit pas expliquer de façon experte les points forts de la technique de conduite autonome. Une tâche importante est ici dévolue aux médias spécialisés." Les voitures connectées et les véhicules autonomes feront exploser le flux de données.
La question qui subisse est donc de savoir dans quelle mesure nous désorganiserons les réseaux mobiles 3G/4G, qui aspirent d'ores et déjà à plus de capacité?
Mark Pecqueur: “Cela reste un défi mais la 5G s'annonce et elle augmentera la capacité d'un facteur 100. La question est de savoir si toutes les infos des voitures autonomes doivent être collectées via ce réseau data. Il y a encore la communication 'vehicle-to-vehicle' (V2V), en vertu de laquelle les véhicules ne partagent les infos observées que de façon partielle avec les voitures à proximité. Toutes les données ne doivent donc pas passer par le cloud. On teste des possibilités de partager seulement des données spécifiques et pertinentes via le cloud. Une voiture immobile à un endroit dangereux, un trou dans la route, des traces d'huile, un accident ou une déviation consécutive à un accident ou à des travaux routiers, ce sont des données pour le cloud. Une info telle que la vigilance à cause d'un enfant qui traverse subitement n'est pertinente que pour les véhicules proches de la voiture observatrice et moins pertinente pour les véhicules plus éloignés. Si chaque véhicule autonome dans un rayon de 100 mètres balaie avec précision l'environnement et si toutes ces infos sont transférées vers le cloud, on risque effectivement une surcharge de données. On teste des systèmes qui lisent d'abord les données et les comparent ensuite aux données nouvellement reçues. Dès qu'un véhicule constate quelque chose qui n'a pas été mentionné plus tôt, ces données seront partagées. Si nous souhaitons conserver toutes les images de caméra (ce que les Américains préfèrent), le risque de surcharge de données est aussi plus grand. Ici aussi, on peut adopter le principe de ne partager dans le cloud que des infos d'image non relevées précédemment ou de viser à réduire le trafic de données en assurant un flux d'images non pas à chaque milliseconde mais après chaque seconde."
Mais quid si la connexion avec le cloud connaît des ratés?
Mark Pecqueur: “Il reste la communication V2V et la conduite autonome sera effectivement plus lente. Drive.Ai travaille avec des systèmes qui anticipent une telle panne. Dès que les infos n'arrivent plus du cloud, un 'mode prudence' V2V est activé. Si les véhicules ne constatent pas de problèmes, ce V2V est transmis aux autres véhicules dans l'environnement. Il est évident que plus la voiture autonome est informée de façon exacte - via cloud et V2V -, plus le fonctionnement du pilote automatique est rapide et sûr."
Avec certains de vos étudiants, vous avez entre-temps apporté la preuve que la voiture autonome n'est plus une chimère, d'un point de vue technologique.

– via le cloud et V2V –, plus
le fonctionnement du pilote automatique est rapide et sûr
Mark Pecqueur: “Avec un GSM derrière le pare-brise d'une Toyota RAV4, quatre de mes étudiants ont apporté cette preuve. Le GSM est nécessaire pour les images caméra. Par le biais de la fiche OBD, nous recevons les données du véhicule via le CANbus et pouvons traiter les fonctions de conduite nécessaires. Nous traitons les données CAN avec les données de caméra du GSM et roulons de façon autonome. Nous utilisons uniquement des fonctions existantes dans la voiture et la pratique nous apprend qu'il n'y a pas de problèmes techniquement insurmontables. Nous cherchons encore comment utiliser au mieux les données d'environnement reçues et comment implémenter éventuellement une communication V2V. Mais c'est un défi logiciel. En termes de matériel, nous disposons de tous les capteurs, actionneurs et caméras nécessaires à la conduite autonome. Ce n'est pas difficile parce que l'accélération, le freinage et l'assistance sont électriques dans notre voiture depuis des années déjà. L'avantage de la Toyota RAV4 est que son assistance de bande de circulation réagit de façon correcte (pas trop brusque). Notez encore l'utilisation d'une interface, disons un processeur dans lequel tourne le processeur ou la conduite autonome. Nous lisons donc les capteurs de la voiture (via OBD), accouplons ces infos à l'interface où nous faisons aussi circuler les données de caméra. Nous traitons toutes les données avec notre logiciel et via le CANbus, la voiture se voit indiquer quand freiner, comment se diriger et quand accélérer."
Apparemment la recherche sur les voitures autonomes est quand même prise au sérieux dans nos contrées.
Mark Pecqueur: “Ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que de telles recherches sont confrontées à l'avance à une sur-régulation et ne sont pas encouragées. Nos politiciens scandent que l'innovation est notre avenir. Toute politique raisonnable en ce sens se fait toutefois attendre. Vous ne m'avez pas entendu dire que nous innovons mal. Nous excellons dans certains aspects techniques. Toutefois, la majorité de ce qui est développé ici n'est pas fabriqué ici. Notre territoire compte quasi le top mondial absolu en matière de recherche sur la modernité électronique mais cela n'apporte pas d'eau au moulin pour notre industrie manufacturière."