CONDITIONNER L’HUILE SYNTHETIQUE DANS LES TURBINES
Controler & maintenir la qualité de l’huile
Les huiles lubrifiantes et hydrauliques à base synthétique se caractérisent notamment par une excellente résistance à la température, si bien que les lubrifiants se prêtent parfaitement à l’utilisation dans des turbines. Afin de pouvoir garantir le fonctionnement visé à plus long terme, il s’agit d’entretenir l’huile. En effet, son conditionnement permet non seulement d’allonger la fiabilité et la longévité aussi bien de l’installation que de l’huile, mais également de réduire sensiblement les frais consécutifs aux perturbations dues à une huile synthétique mal ou non conditionnée.
MINERAL VERSUS SYNTHETIQUE
De tout temps, on utilise l’huile minérale pour graisser ou – dans un système hydraulique – transmettre la puissance. L’huile minérale est constituée de molécules de taille différente, ce qui induirait une friction supérieure, et dès lors un dégagement de chaleur et une consommation d’énergie accrus. On a décidé de développer une huile synthétique, une variante qui contient davantage d’huiles de base hautement raffinées que les huiles minérales conventionnelles. Les avantages se traduisent notamment par une plus grande homogénéité moléculaire, une plus faible friction et une meilleure résistance aux températures élevées. En raison de ces avantages, la variante synthétique semble gagner de plus en plus de terrain sur son challenger minéral comme huile de turbine, p.ex. dans une installation avec bains d’huile lubrifiante et d’huile de réglage séparés. La variante synthétique de l’huile de réglage (ou huile de commande ou huile Electro Hydraulic Control EHC) est choisie surtout pour les turbines à vapeur, parce que le risque de très hautes températures est bien plus élevé à cause de la haute pression de vapeur. Une huile synthétique est aussi possible dans les turbines plus petites dont le batch d’huile lubrifiante atteint env. 1.200 litres – p.ex. dans une centrale urbaine.
Les avantages des huiles synthétique se traduisent notamment par une plus grande homogénéité moléculaire, une plus faible friction et une meilleure résistance aux températures élevées.
Pourquoi conditionner?
Le conditionnement de l’huile permet d’utiliser au maximum les avantages de l’huile synthétique, dont un fonctionnement fiable de l’installation. Par ailleurs, le prix de l’huile est certainement aussi un motif de conditionnement. En effet, la variante est cinq à dix fois plus chère à l’achat que l’huile minérale, et aussi plus onéreuse dans l’évacuation. Le remplacement de l’huile signifie donc un poste de coût relativement élevé, tandis que le conditionnement doit justement permettre à terme de reporter considérablement le remplacement de l’huile.
POURQUOI LES PROBLEMES?
Non-respect des spécifications
Une étude montre que l’échec de l’huile a plusieurs causes. Une première constatation est que souvent, les entreprises ne contrôlent pas les spécifications de l’huile indiquées par le fournisseur de turbines (comme le degré de pureté, la conductibilité ou la vitesse à laquelle l’huile peut être purgée) et ne peuvent donc pas les maintenir.
Analyses insuffisantes
Par ailleurs, les analyses de labo standard ne semblent pas toujours déceler tous les problèmes. C’est ainsi que de nombreuses analyses négligent les particules plus petites que 4 µm, tandis que celles-ci exercent bel et bien une influence sur la condition de l’huile. Et tous les métaux ne sont pas non plus repris dans les analyses, alors que ces éléments sont par excellence les catalyseurs du vieillissement de l’huile. La présence de ces particules est évocatrice de la sensibilité au vieillissement de l’huile et du risque d’un dépôt d’huile cuite sur les composants du système. Pour terminer, on effectue des tests inutilisables. Ainsi, il existe des tests qui sont une indication du degré d’acidité (TAN) de l’huile via un virage de couleur; la couleur passe au vert. Toutefois, s’il s’agit d’une huile foncée, le virage de couleur est le plus souvent à peine perceptible et le test est donc relativement peu fiable. Nous pensons donc pouvoir affirmer qu’on a besoin de davantage ou d’autres tests pour analyser de façon correcte la qualité d’une huile de turbine.
Membrane patch colorimetry (mpc)
Mais même quand, par exemple, la valeur PMC est tout de même déterminée, cette valeur ne dit pas tout. Pour les huiles synthétiques, il est important de considérer les trois composants qui constituent cette valeur et pas seulement la valeur finale. Une valeur MPC élevée indique, en effet, avant tout une valeur d’huile cuite critique, mais quand la valeur L est élevée et que les valeurs A et B sont basses, on a mesuré du carbone et pas de l’huile cuite. Pour la détermination de la valeur MPC, il est, en outre, important de ne pas utiliser les membranes d’analyse standard, mais des membranes nylon 0,45 µm. Celles-ci ne ‘bullent’ pas et ne sont pas non plus attaquées par l’huile synthétique. Pour terminer, l’échantillon doit être traité avec de l’hexane et pas avec un éther de pétrole, comme c’est usuel avec l’huile minérale.
CONSERVER LES SPECIFICATIONS
Oxygène
L’huile synthétique vieillit d’une part par des processus d’oxydation – sous l’influence de l’oxygène, de l’eau et de particules métalliques – et d’autre part par la dégradation thermique consécutive aux hot spots, aux décharges électrostatiques et à la microdiéselisation. Si nous examinons les catalyseurs des processus d’oxydation, l’élimination des particules de poussière est relativement simple par l’utilisation de filtres standard avec une grande valeur bêta typique (βx(c) ≥ 1.000). Ces filtres extraient aussi les plus petites particules de l’huile et éliminent ainsi cette source d’oxydation.
Carbone
Lorsque les filtres utilisés sont insuffisants pour accroître le degré de pureté et que l‘huile s’est colorée de foncé à noir, il est possible que de nombreuses particules de carbone sont présentes. Ces particules ont un effet très négatif sur la valeur d’acidité (TAN – Total Acid Number), constituée d’un 'Weak Acid Number' (WAN) et d’un 'Strong Acid Number' (SAN), avec par ailleurs aussi les métaux présents. Lorsque la valeur comporte un SAN élevé, ceci peut induire, en combinaison avec les métaux présents, une dégradation très rapide de l’huile et causer ainsi des dégâts dans le système.
Eau
L’eau peut aussi engendrer des problèmes, certainement quand on utilise une huile synthétique. Alors qu’une huile lubrifiante atteint son point de saturation avec l’humidité entre 350 et 450 ppm, ceci peut grimper jusqu’à 3.000 à 4.000 ppm dans le cas d’une huile synthétique. Par ailleurs, l’huile synthétique est aussi hygroscopique et a donc une plus forte tendance à absorber et retenir l’humidité. Comme l’eau, à l’instar de la saleté et des gaz, est un oxydant dans l’huile, les molécules accéléreront aussi un changement dans le comportement chimique.
COMBATTRE L’OXYDATION ET LA DEGRADATION
Extraction de l’humidité
Lorsqu’un taux d’humidité trop élevé (supérieur à 300 ppm) est observé, on peut y remédier par la déshydratation sous vide. A cette fin, on utilise ce qu’on appelle un purificateur sous vide ou un headspace dehydrator meilleur marché. Dans ce dernier cas, le système souffle de l’air froid par le haut du réservoir d’huile, ce qui extrait l’humidité de l’huile (voir dessin). Lors de l’utilisation d’un purificateur sous vide, il est important de contrôler que celui-ci convient spécifiquement aux huiles synthétiques.
Extraction de l’oxygène
Pour les systèmes extrêmement critiques, il est possible de choisir l’extraction de l’humidité par un apport d’azote supplémentaire. D’une part, ceci offre l’avantage d’extraire toute l’eau présente dans l’huile, mais de surcroît, l’azote chasse l’oxygène présent dans le réservoir, ce qui stoppe le processus d’oxydation. L’important est bel et bien de ne procéder à l’apport d’azote que dans les grands espaces ou les espaces suffisamment ventilés. Pour le service d’entretien, il doit être clair que le réservoir contient de l’azote au lieu d’oxygène, de sorte qu’il n’existe aucun risque d’asphyxie.
AUTRES PROBLEMES
By-Pass, Filtre à ions ou combinaison
Les autres problèmes qui surgissent, sont:
- une anomalie dans la valeur d’acidité (T)AN;
- une valeur d’huile cuite MPC accrue;
- la présence de métaux (dissous) dans l’huile (funeste notamment pour les soupapes de réglage!).
Ces trois problèmes sont traités par respectivement la pose d’un by-pass d’un filtre avec ‘action acid scavenging' (par des résines à ions) et des filtres à ions. Une solution combinée aux problèmes précités peut aussi être une option. Lorsque le taux d’humidité, mais aussi le taux de saleté et le degré d’acidité sont trop hauts, lorsque la couleur est trop sombre et que la valeur d’huile cuite diverge, un by-pass d’une unité de conditionnement spécifique pour l’huile synthétique peut ramener les spécifications de l’huile à un niveau normalisé. En tout cas, il est conseillé de surveiller les bonnes propriétés et de réagir immédiatement aux valeurs divergentes ou tendances initiées. Le temps, la peine et l’argent investis se récupèrent à coup sûr par la diminution des frais d’entretien et autres coûts liés à la panne ouau dysfonctionnement d’une installation. Bonne chance!