Et soudain, voilà les Chinois dans notre salon...
Rubrique Mark Pecqueur - enseignant, chercheur et conférencier dans le domaine de l'automobile

On a l'impression que c'était hier, mais c'était en 2019. Avant la crise du covid, nous nous sommes rendus en Chine avec les étudiants en technologie automobile de Thomas More afin de prendre la température du monde automobile chinois.
A l'époque déjà, BYD, qui était dernièrement présent au salon de l'Auto, était un acteur important à visiter. Dès la première visite et après une brève conversation, l'ambition était claire: BYD voulait conquérir le monde, et surtout l'Europe. Les quelques remarques émises sur la qualité ont reçu une réponse immédiate: BYD construit des voitures selon la qualité attendue par le client. Le fabricant ferait mieux pour l'Europe si cela s'avérait nécessaire.
Même tableau chez Nio, à la différence qu'ils ont abordé le sujet spontanément. Nio allait conquérir le monde des véhicules électriques. Ils se présentaient comme le grand concurrent d'Audi avec l'e-tron. Et ils ne voulaient pas jouer uniquement sur le prix. Les gadgets électroniques sont leur dada pour offrir précisément le petit plus qui ravit le client.
"La Chine constitue une énorme menace pour l'industrie automobile européenne"
Ce que presque tous les constructeurs chinois ont en commun, c'est leur façon de faire passer le client en premier. Vous n'achetez pas une voiture, vous achetez une expérience. Pour vous donner une idée: Nio dispose d'un centre d'expérience à Shanghai où les clients peuvent venir travailler, rencontrer des amis et prendre un café, et même, s'ils le souhaitent, 'parquer' leur bien le plus précieux - leur enfant - lorsqu'ils vont au centre commercial.
En outre, Nio dispose également d'un réseau de stations de changement de batterie. Lorsque vous souhaitez parcourir une distance un peu plus longue avec votre voiture équipée d'une petite batterie, vous entrez dans une station de changement de batterie Nio pour en ressortir 2 minutes plus tard avec une grosse batterie entièrement chargée. Et quand vous revenez, vous échangez simplement la batterie contre un modèle plus petit. C'est dire à quel point la vie peut être simple en Chine.
Quant à la technologie chinoise, il faut être honnête. Presque toutes les voitures électriques du monde sont équipées d'une technologie chinoise. Si ce ne sont pas les cellules de batterie, ce sont les matériaux rares nécessaires à leur fabrication. La Chine possède tout cela. Nous n'avons plus besoin de leur apprendre la technologie qui se cache derrière la voiture électrique.
Ce qui m'inquiète, c'est le prix. Lorsque je vois les prix demandés au Salon de Bruxelles, je constate qu'ils sont presque deux fois plus élevés que les prix chinois. Ce qui signifie qu'ils ont encore une énorme marge vers le bas.
Aujourd'hui, celui qui achète une voiture chinoise à 60.000 euros ne doit pas s'étonner de découvrir ce modèle quelque temps plus tard proposé à un prix bien inférieur dans un showroom digital chinois. En d'autres termes, ceux qui achètent maintenant risquent d'être floués s'ils veulent proposer la voiture sur le marché de l'occasion dans quelques années.
Si vous pensez que tout cela va prendre du temps, détrompez-vous! Il a fallu 20 ans aux Japonais pour se faire une place sur le marché européen. Les Coréens ont mis environ 10 ans et les Chinois pourraient le faire en 10 mois. La vitesse de la Chine ne connaît aucune limite.
Ils ont pu construire des hôpitaux pour les patients atteints du covid en quelques semaines. Ils font pareil avec les usines destinées à produire des voitures pour le marché européen. Quant à savoir si elles seront toutes de la qualité que nous attendons, c'est une autre question. Au moment où le monde est presque débarrassé du covid, des millions de Chinois succombent à une maladie que l'Europe maîtrise depuis longtemps.
Je ne peux donc qu'être d'accord avec le PDG de Stellantis, Carlos Tavares. La Chine constitue une énorme menace pour l'industrie automobile européenne. Si nous ouvrons grand nos portes à leurs produits, nous ne pouvons pas avoir un accès libre à leur marché et, en plus, nous sommes dépendants des matières premières chinoises pour nos véhicules électriques. Nous jouons un jeu dangereux.
C'est donc avec des sentiments mitigés que j'aborde cette question. Les Chinois pourraient très bientôt rendre la voiture électrique abordable et cela pour le budget de chacun en Europe. De la plus petite Wuling Hongguang Mini EV à la Hongqio E-HS9, la Chine a tout à offrir. On se demande ce que l'Europe peut proposer en réponse...