L'APPELLATION TROMPEUSE DE ‘ZERO EMISSION’
RUBRIQUE - FERRE BEYENS, ANALYSTE/JOURNALISTE AUTOMOBILE
Il y a quatre ans, CarFix publiait les chiffres de l'agence allemande pour l'environnement concernant l'évolution de sa publication ‘Emissionen und maßnahmenanalyse, Feinstaub 2000-2020’. Fait marquant: les émissions de particules de diesel avaient diminué de 90% en 15 ans. Par ailleurs, en 2015, les émissions de particules (PM10) des voitures et camions diesel en Allemagne s'élevaient à 6,82 kilotonnes, soit quatre fois moins que les 22 kt produites la même année suite à l'usure des pneus et des freins. Et beaucoup moins que les 127,12 kt provoquées par le chauffage domestique, l'industrie et le transport ferroviaire/maritime. On devine aisément pourquoi ces chiffres restent sous le radar des médias. Les conclusions récentes du groupe d'experts britannique sur la qualité de l'air (AQEG) confirment celles de l'agence allemande. Une fois de plus, on constate que ce n'est pas le diesel, éternel bouc émissaire, qui constitue une question environnementale brûlante mais plutôt les 'émissions non-exhaust'(NEE). Ce sont donc les émissions ailleurs qu'à l'échappement de tous les véhicules – quelle que soit leur technologie de propulsion – qui peuvent avoir un lourd impact sur l'environnement. Et cela comprend les véhicules ‘zéro émission’ tant applaudis ...
“Il n'y a pas que les emissions du diesel, la pollution ailleurs qu'a l'echappement a un lourd impact sur l'environnement”
Obsédés par les émissions à l'échappement et trompés par le CO2 inoffensif – voire nécessaire – pour les hommes, les animaux et les plantes, nous avons longtemps sous-estimés le grave impact sur l'environnement de l'usure des pneus et des freins. En 2019, à l'échelle mondiale, trois millions de pneus usagés finiront au dépotoir. C'est qu'a annoncé récemment la BBC. Indépendamment de toutes les répercussions négatives pour l'environnement causées par ces gigantesques montagnes de déchets, tous ces pneus ont nui à l'environnement durant leur utilisation, bafouant les règles de préservation de la qualité de l'air. En outre, ils ont foulé aux pieds le catéchisme vert qui souhaite sauver les océans des micro-plastiques du diable.
Sur une distance de 20 à 50.000 km, un pneu perd en moyenne 1 à 2 kg de poids corporel. Le facteur d'usure d'un pneu est défini comme la perte de poids au kilomètre, lequel dépend des caractéristiques du pneu. Il n'y a pas que les dimensions mais aussi la construction, le choix des matériaux, la pression, la température et la température du revêtement de route qui sont des paramètres déterminants. Comme ce qui se fait avec les chiffres de consommation (carburant ou électricité), les producteurs de pneus n'hésitent pas à avancer un facteur d'usure largement surestimé. Emissions Analytics, un spécialiste indépendant qui établit de manière scientifique les émissions réelles (WLTP) et l'efficacité du carburant pour les véhicules commerciaux et les véhicules de tourisme, a constaté lors d'un test que les quatre pneus d'une voiture particulière de catégorie moyenne s'étaient fait racler au total 1,8 kg de poids corporel par le revêtement de route. C'est énorme quand on sait que la distance de test n'était que de 200 miles!
Le frottement entre la bande de roulement et le revêtement de route provoque une formation de poussière qui contient un large spectre d'émissions. Des particules grosses, fines et ultra-fines jusqu'aux nanoparticules. De plus, l'usure des pneus entraîne l'émission de benzopyrène et de benzofluorène (des hydrocarbures aromatiques polycycliques). C'est dû à la combustion incomplète des matériaux organiques et à l'évaporation de composés organiques (de pneus). Cela entraîne la diffusion des particules dans l'air ou le dépôt de substances minérales et de gaz sur le sol. Via le drainage, ces particules arrivent dans l'eau et forment une source primaire (28%) des micro-plastiques qui arrivent dans les océans, causant ainsi une inquiétude bien compréhensible.
La différence entre particules ultra-fines et … particules ultra-fines? Pour ce qui est des particules de pneu qui arrivent dans l'air … les épidémiologistes et la recherche médicale s'accordent à dire que les particules ultra-fines sont plus mauvaises pour la santé humaine que les grosses particules car elles peuvent infiltrer le système sanguin via les poumons. Même s'il semble y avoir un consensus à cet égard – qui sommes-nous pour en douter, d'ailleurs? – nous nous interrogeons. Est-ce que les particules (de diesel) ultra-fines sont plus néfastes que les particules beaucoup plus nombreuses liées aux émissions ailleurs qu'à l'échappement?
Le public pense encore que les pneus de voiture sont en caoutchouc naturel. C'est à cause de cette erreur qu'il est difficile de démontrer que l'usure des pneus provoque une pollution aux micro-plastiques. Un pneu de voiture se compose à 45% de caoutchouc synthétique ou de polymère issu de pétrole non raffiné, à 40% de noir de carbone et à 15% de divers additifs, notamment des métaux lourds afin de soutenir le processus de production. Bien sûr, certains pneus contiennent du caoutchouc naturel mais c'est le plastique qui domine. De loin. En effet, le caoutchouc naturel est une matière première trop cher pour un pneu automobile … qui finit au dépotoir.
Le poids plus élevé des véhicules à entraînement alternatif intensifie l'usure des pneus. L'Air Quality Expert Group britannique considère les émissions ailleurs qu'à l'échappement comme la principale source de développement de particules fines dans le trafic routier (60% de PM2,5 et 73% de PM10). Une augmentation du poids du véhicule de 10 kg augmenterait les émissions de nanoparticules de pneu de 0,8 à 1,8%. Or rappelons-nous que la limitation de poids et les voitures électriques ne font pas bon ménage.
Pour les voitures électriques avec une construction légère destinée à compenser le poids des batteries, cette intensification de l'usure des pneus reste minime … mais … Les petites voitures électriques avec une autonomie limitée et une construction légère pour compenser le poids de la batterie peuvent quelque peu marginaliser ces émissions ailleurs qu'à l'échappement. Les neutraliser voire les réduire si elles sont équipées de pneus étroits. Mais face à cela, il y a les ‘chars’ électriques. Les grosses Tesla, Mercedes EQCs, Audi e-tron ou Jaguar i-Paces … Avec des batteries de 60-100 kWh et un poids de 2,3-2,6 tonnes. Selon l'AQEG, une batterie de 600 kg augmenterait les émissions de nanoparticules des pneus de 48 à 108% par rapport à un véhicule classique pesant 600 kg de moins. Retenons ceci: l'énergie neutre en CO2 est tout sauf authentique. Et le ‘zéro émission’ n'est pas non-polluant, ni pour l'air, ni pour l'eau.