l'Hydrogene et le journalisme
RUBRIQUE – FERRE BEYENS, ANALYSTE/JOURNALISTE AUTOMOBILE
On me pose la question chaque jour: “l’avenir nous mène-t-il vers une ère de l’électrique ou de l’hydrogène?” Il n’y a pas de bêtes questions. Seules les questions non posées témoignent (parfois) d’une certaine bêtise. Mais lorsque les ‘fournisseurs d’informations’ des médias réguliers me posent sans cesse cette question, cela illustre le manque poignant de connaissances techniques en la matière. Les voitures à pile à combustible hydrogénivores roulent par ailleurs aussi à l’électricité. L’hydrogène n’est pas le ‘moteur’, mais bien un ‘vecteur d’énergie’ générant du courant électrique dans la pile à combustible. Le H2 remplace donc la batterie mais tant que les fournisseurs d’informations – évoquant cette matière au quotidien – ne comprendront pas cette idée simple, nous continuerons à être submergés d’articles vides de sens et souvent trompeurs à ce sujet ...
“Le H2, vecteur d’energie artificiel, peut difficilement rivaliser avec sa propre source d’energie: le courant electrique”
Les journalistes se laissent volontairement tromper par des opinions activistes et en conflit sur le plan scientifique, avancées par des apôtres du climat trichant avec les faits et les chiffres. Le contenu rédactionnel sur l’hydrogène démontre surtout que les auteurs en question manquent clairement de connaissances de base. Leurs épîtres regorgent d’éloges énergétiques, neutres en CO2 et respectueux du climat irréfléchis. Ces ‘fournisseurs d’informations sérieuses’ professionnels oublient que des scientifiques pouvaient démontrer il y a des décennies les énormes faiblesses de l’hydrogène. Dans leur journalisme, leurs prévisions colorées pour l’avenir, ils ignorent avec assurance un fait dont il faut absolument tenir compte: le H2 en tant que vecteur d’énergie artificiel ne peut pas rivaliser avec sa propre source d’énergie, le courant électrique …
Hydrogène et électrons? Quelle différence d’efficacité. Il est vrai que dans notre nature, l’hydrogène ne manque pas. Mais il est vrai aussi que le H2 dans cette nature et en tant que molécule est rare. Il peut (notamment) être obtenu en décomposant de l’eau (H2O) en oxygène (O) et en hydrogène (H2). Pour cette décomposition (électrolyse), il faut de l’énergie électrique. L’électrolyse n’est que l’une des nombreuses possibilités pour obtenir du H2. La majorité de toutes ces méthodes de production sont loin d’être respectueuses de l’environnement, voire carrément polluantes. Mais toutes les méthodes de production ont un inconvénient commun regrettable: elles sont énergivores. Un exemple: il faut environ 50 kWh (!) de courant continu pour obtenir via l’électrolyse 1 kg de H2 à partir de 9 kg d’eau ‘pure’ (H2O). Dans le cas de l’électrolyse, cette transformation d’électricité en H2 se fait à un rendement d’environ 75%. La conversion par la suite, de H2 à nouveau en courant dans des piles à combustible coûteuses, a un rendement (?) de ± 55%. Ou comment dans une voiture à pile à combustible, encore ± 40% de l’énergie électrique générée initialement finit réellement dans le moteur électrique.
Des analyses anciennes des pertes d’énergie parasitaires fâcheuses montrent que le H2 en tant que vecteur d’énergie est ‘inefficace’. Pour la distribution d’énergie et le stockage temporaire d’électricité issue de sources renouvelables (éoliennes, panneaux solaires, énergie hydraulique), il n’en va pas autrement. Nous ne l’avons pas inventé nous-mêmes. Cela se trouve depuis des décennies déjà dans nos livres et nos cours. A peine 30% du courant généré de manière durable peut être exploité réellement avec le H2. Petit rappel: si nous transportons notre énergie électrique via un fil de cuivre, 90% de l’énergie électrique initiale sont encore disponibles au bout de la ligne de transport.
Il est donc plus efficace de pousser des électrons avec une charge électrique négative par un fil de cuivre que de pomper des molécules d’hydrogène par des tuyaux. A en croire les ‘experts’ contemporains, les coûts pour la production et le transport de H2 seront moins élevés. Si tel est le cas, pourquoi ces mêmes ‘experts’ restent-ils alors si peu loquaces concernant les coûts énormes liés à l’installation et à l’entretien d’une infrastructure complète pour le H2? Electrolyseurs, compresseurs, piles à combustible ... Un ensemble ramenant à chaque fois au problème majeur du H2: le rendement médiocre. L’énergie, nécessaire pour la production, la compression, la liquéfaction, le transport, le transfert et le stockage, en plus de l’énergie pour la conversion en électricité dans la pile à combustible, est de l’énergie perdue.
Une économie de l’hydrogène neutre en CO2? Une nouvelle illusion. Avec le H2, c’est comme avec l’électricité: non durable et guère neutre en CO2. Du moins tant que sa production ne s’effectue pas avec de l’énergie durable. A l’exception de la biomasse, l’énergie renouvelable a toujours une source physique. La chaleur, dans le cas de l’énergie solaire et de la géothermie. Photovoltaïque, avec les panneaux solaires. Mécanique, pour l’énergie éolienne et hydraulique. On ne peut parler de neutralité en CO2 dans le cas du H2 que si l’électricité est générée à l’aide de ces sources renouvelables et que notre vecteur d’énergie H2 est décomposé avec de l’électricité durable ‘pure’ via électrolyse à nouveau à partir d’‘eau pure’. A l’échelle mondiale, environ 50% de H2 sont aujourd’hui générés à partir de gaz naturel (lourde charge en CO2 et pollution industrielle), 30% via la récupération de processus industriels chimiques, 15% à partir de charbon … Seuls 4% proviennent d’électrolyse de l’eau, une méthode de production qui n’est – jusqu’ici – alimentée que de manière minimale avec de l’énergie durable ‘pure’.
H2 … solution accueillie avec enthousiasme pour notre problématique énergétique. Maintenant qu’il est clair que la transition énergétique ne marchera jamais, ni la folie sur-subsidiée des éoliennes, ni les panneaux solaires photovoltaïques, l’économie de l’hydrogène est prônée comme une réponse adéquate. Les enthousiastes verts trouvent ainsi aussi ‘judicieux’ de stocker les surplus d’énergie éolienne et solaire temporairement dans le vecteur d’énergie qu’est l’hydrogène. Ils oublient bien sûr ici que la conversion de courant en H2 et ensuite de H2 en courant résulte toujours en bien 60% de perte d’énergie de l’énergie produite initialement par les éoliennes et les panneaux solaires.
On oublie qu’il faut deux fois plus d’énergie éolienne pour avoir finalement une même quantité d’énergie éolienne ou photovoltaïque solaire à disposition. Qu’il doit par conséquent y avoir énormément de surplus d’énergie éolienne et solaire pour assurer de manière ‘sensée’ la rentabilité des investissements colossaux de leur économie de l’hydrogène présentée comme salutaire.
Folie sensée? En ce qui concerne le surplus temporaire d’énergie éolienne et solaire, nous nous tournons à nouveau vers l’Allemagne. Des investissements insensés dans l’énergie éolienne et solaire y ont donné lieu à une ‘pénurie de courant’. Le besoin d’importation d’électricité française (nucléaire) et polonaise (charbon) a augmenté. On est même contraint d’augmenter systématiquement l’ancienne production très polluante avec du lignite. En cette même Allemagne, en 2018. Suffisamment de vent, largement assez de soleil. Mais la production de H2 verte (à nouveau) sur-subsidiée – et électrifiée avec le surplus d’énergie solaire et éolienne – s’est retrouvée non moins de 8.610 heures complètement à l’arrêt en 2018. De lourds investissements donc dans des usines de H2 qui ne produisaient rien 98% du temps ... Pour les 2% restants, elles généraient – nos livres et nos cours le disent depuis déjà des décennies – un vecteur d’énergie dont le rendement médiocre est la principale caractéristique.