Clap de fin pour le volant et les pédales
chronique Mark Pecqueur - enseignant, chercheur et conférencier dans le domaine de l'automobile

Pour connaître les véritables débuts de la conduite autonome, il faut remonter à près de 20 ans en arrière. À l'époque, on parlait d'un gros Chevrolet Tahoe bourré de matériel informatique et équipé d'un petit générateur Honda pour alimenter le tout. Les performances étaient plutôt médiocres et la vitesse du véhicule était comparable à celle d'un camion poubelle qui vous ralentirait le matin sur le chemin du travail.
"La conduite autonome progressera bien plus vite qu'on ne le pense aujourd'hui"
La première véritable percée a eu lieu en 2006, lorsque Sebastian Thrun, un collègue de Stanford, a été le premier à réussir le Darpa Challenge. Le Darpa Challenge était une sorte de course, principalement sur des chemins de terre, organisée par l'armée américaine pour explorer le potentiel des véhicules autonomes, en particulier dans le domaine militaire.
Sebastian Thrun est né en Allemagne, où il a obtenu un doctorat en informatique à l'université de Bonn. En 2003, il a rejoint l'université de Stanford en tant que professeur. Thrun avait une mission. Dans sa jeunesse, il a perdu l'un de ses amis dans un accident de voiture, et il aspirait à faire en sorte que les voitures ne causent plus jamais d'accidents.
Après avoir remporté le Darpa Challenge, Google a soudain suscité beaucoup d'intérêt et apporté d'importantes ressources financières afin d'encourage la course vers un véhicule 100% autonome.
Entre-temps, Google a cessé depuis longtemps d'être le seul acteur et presque tous les grands fournisseurs, ainsi que quelques nouveaux venus intéressants, s'efforcent de franchir les derniers obstacles sur la voie des solutions 100% autonomes.
La grande question est de savoir où nous en sommes réellement. En fait, nous y sommes déjà. En Belgique, Colruyt et Carrefour ont récemment fait leurs premiers pas avec succès dans la livraison de commandes aux clients à l'aide de véhicules autonomes. En août, San Francisco, en Californie, a obtenu l'autorisation de permettre à plusieurs acteurs de déployer des taxis 100% autonomes dans toute la région. Ce n'est donc qu'une question de temps avant que la conduite autonome ne fasse son apparition ici aussi. Et oui, les Chinois sont déjà plus avancés dans ce domaine. À Shanghai, des taxis autonomes circulent depuis un certain temps et vous pouvez facilement commander en ligne des cuisses de poulet auprès de KFC dans le parc, livrées chaudes par un véhicule autonome.
La conduite autonome va considérablement bouleverser le monde de l'automobile. Plus encore que la conduite à l'hydrogène ou la conduite électrique, la conduite autonome modifiera l'ensemble des règles du jeu. Nous n'achèterons pas de véhicules autonomes, ils seront utilisés comme le sont actuellement les taxis. La valeur d'une marque forte ne sera plus aussi pertinente. Tout comme nous ne nous demandons pas aujourd'hui quelle voiture conduit le chauffeur de taxi. Clap de fin, donc, pour le volant et les pédales, et forcément pour le chauffeur. Le secteur des transports voit dans cet aboutissement une solution à son plus gros problème: la pénurie de chauffeurs n'est plus à craindre si on n'a tout simplement plus besoin d'eux.
Les garages deviendront des fournisseurs de mobilité. Ils veilleront à ce que les véhicules autonomes soient déployés au maximum 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les carrossiers redeviendront de vrais carrossiers. Ils fourniront de belles constructions sur les nouvelles plateformes autonomes, au lieu d'avoir à attendre que ce conducteur 'idiot' fonce à nouveau dans un poteau pour réparer la carrosserie endommagée de ce beau bolide.
En bref, la conduite autonome sera là bien plus tôt qu'on ne pourrait le penser actuellement. Et ceux qui ne prendraient pas en compte cette autonomie à venir au moment de prendre leur prochaine décision difficile sur le futur de leur entreprise pourraient bien avoir une surprise très désagréable. Attention!